To yelasto paidi
C’est une mélodie grecque que j’aime tant, to yelasto paidi – l’enfant rieur. Alors j’ai trouvé que ce titre de chanson était parfait pour cette petite réflexion.
J’ai lu il y a peu que les adultes dont les photos d’enfance montraient des bambins au sourire spontanément gai étaient devenus des adultes heureux. Si on a la capacité d’exprimer et montrer la joie avant l’âge de 5 ou 6 ans il me semble, ce serait le signe qu’on a le secret du bonheur.
Qu’il est amusant de s’entendre dire c’est tout à fait toi, je te reconnais, lorsqu’on montre à un ami une photo surgie de l’enfance, alors que les ans ont recouvert la photo de patine et le corps d’un nouveau volume. Et pourtant, oui, le sourire et la paisible confiance en soi errent encore, l’essence même de ce qu’on était déjà.
Quant aux enfants anxieux, ces enfants dont on voit trop tôt hélàs le visage et le caractère qu’ils auront plus tard … bien vite en eux l’enfant disparaît et livre toute la place à un individu auréolé de tristesse qui s’use sur les vicissitudes et se retourne pour les regarder quand elles sont passées, vivant avec parcimonie les grands bonheurs de la vie pour être mieux préparé aux drames à venir. Garder un cœur d’enfant, comme on le dit, prend des aspects différents pour tous, et certains ne peuvent garder ce qu’ils n’ont jamais eu. Mais le goût des fous-rires, des sottises dites pour le plaisir unique de rire et d’entendre une amie surenchérir avec une autre idée encore plus sotte, c’est ouvrir la cour de récréation à cet enfant de jadis qui eut le même rire que nous, et dont l’expression espiègle flotte devant la nôtre.
Ça n’enlève rien au sérieux que la vie exige de nous le reste du temps, ni à l’indispensable maturité qui permet que la joie d’enfant apporte un sain détachement des choses sans en enlever la conscience. Céder à l’appel d’un vieil air de Bo Didley et danser toute seule en repassant, téléphoner à une amie pour une demi-heure de pure bêtise rajeunissante, ne pas penser à ses vêtements et se coucher dans l’herbe pour regarder courir les nuages – et y reconnaître formes et visages éphémères -, manger une tartine de pain gris au saindoux et sel, abomination de la diététique mais pure extase qui rappelle l’enfance, c’est ne jamais vieillir tout à fait, même si le corps a des ratés et des pièces que l’on aimerait remplacer si on le pouvait.
Agatha Christie disait que ce que nous sommes avant d’avoir huit ans est ce que nous sommes vraiment. Après, l’éducation, la pression pour être conforme et plaire altère la personnalité de base.
Allons donc, les enfants, emplissez-vous des joies qui jalonnent la route, préparez aujourd’hui votre jeunesse de demain. Et oui, écoutez donc vous aussi Theodorakis et l’extraordinaire Maria Farandouri, que j’ai vus à Bruxelles avec le trop trop beau Giorgio Dallaras, chantant to yelasto paidi… Ah ! Comment vieillir, après cette pluie de beauté descendue de l'Olympe ?