Beau et quotidien
Hier, la muse du quelle horreur m’a fait entendre raison. Tu ne vas pas garder cet ignoble linoléum jaune au sol, non ? Tu ne vas pas me faire ça, à moi qui te fais toujours tout critiquer avec un entrain qui me remplit de fierté ?
Il faisait moche, gris, froid. Le temps idéal pour activer mon sang au ralenti dans des travaux dignes de Blanche Neige – sauf que je n’ai pas eu l’aide des 7 nains. Et je n’ai pas sifflé en travaillant non plus.
Mais j’ai signé la condamnation à mort de l’intrus jaunâtre et l’ai découpé menu. Pour découvrir en-dessous un parquet. Un peu malmené certes, mais un parquet. Tout comme un carrelage intact a été recouvert d’un autre linoléum imitation marbre…
Remplacer de beaux matériaux par du « moderne »… mais surtout du joli par du moche. Mais si pratique ajoutera-t-on. Encore que plus pratique que les carrelages, je ne vois pas…
C’est un art de vivre qui se perd. Car si on mange avec les yeux (qu’on ferait bien de s’arracher avant d’entrer dans un Macdo…) on vit aussi avec les yeux, pardi ! Que ce soit à New York ou ici, la beauté s’est souvent réfugiée aux étages des maisons, dont le rez-de-chaussée a été livré au moderne. Et moi, je regarde. Avant que ça ne disparaisse. Cet art du beau au quotidien, du beau pour le plaisir, il nous vient de cette grande joie de vivre d’autrefois, qui a tourné on ne sait trop comment en joie de jouir et faire. Peut-être parce que le temps se rétrécit, compressé par celui que l’on doit à la productivité, et que ce qui reste est abandonné à la voracité. Mais j’ai eu la chance de ne vivre ce rythme tueur d’âme qu’aux Etats-Unis et de reprendre ici les choses où je les avais laissées… le nez en l’air je regarde le culte du beau.