Or et émeraude
Ce sont les teintes de mon petit pays lorsqu’il y fait soleil.
Un joyau mi-barbare mi-vénitien. L’herbe a la sauvage beauté d’Erin, et les contre-jours ont un pourtour doré et poudreux. Que c’est joli, la Belgique quand il fait beau, ne cessions-nous de répéter mon frère et moi lors de ce court séjour au pays. Lui, venu de l’Australie, sa terre d’accueil, et moi du New Jersey... ma terre d’écueil?
La chaleur, les belles journées … nous n’en manquons certes pas, mais c’est le regard en arrière qui nous fait défaut.
Ce regard qui en Belgique effleure tous ces vieux murs, vieilles pierres, rues, granges, fermes, châteaux, potales, perrons, ruines, clochers qui parlent de centaines d’années envolées dans l’humble quotidien de ceux qui nous ont précédé. Ou ces propriétés que la noblesse, au prix souvent de grands sacrifices, a sauvé de la destruction pour que l’on sache encore aujourd’hui quel fut leur amour de la terre. Allées centenaires et rectilignes où couraient les carrosses, arbres majestueux gardant leurs secrets de morts et d’amours, étangs paisibles où glissent les carpes et guettent les hérons.
Avec mon père, nous avons regardé la carte de Ferrarris (dressée entre 1770 et 1778) de la région où il habite, et nous y avons vu le lieu-dit qui donne origine à notre nom. Un hameau à peine… Que nous nous sommes éparpillés depuis!
Mais il n’est pas étonnant que ce coin, notre berceau, sache parler à ce fluide intime en nous, celui qui coule en symbiose avec les rus et les rivières de “notre terroir”.
À Theux, j’ai eu le bonheur de loger chez des amis qui habitent au pied des ruines du château de Franchimont dans le silence maternel des vieux murs de leur demeure. Une demeure heureuse et encombrée de tout ce qui s’appelle plaisir du regard: livres, tissus merveilleux, fauteuils enlaçants, statuettes, vaisselle “de chez nous”, dessins, tableaux et … l’escalier de la chapelle du château de Séroule! Plus de la tendresse, mais ma description en parlait sans la nommer…
Et au matin de cette nuit sans bruit, juste après un petit déjeûner au cours duquel on pouvait bâiller, s’étirer et rire sottement de tout et rien, j’ai voulu voir cette maison dans le centre.
Merci Anne et Albert pour cette nuit (et toutes les heures avant, et toutes les heures après…) d’un autre monde. Ah non, ce n’est pas dans le New Jersey que je vais voir tout ça dans la banalité de mes jours après jours!
Mais que c’est beau chez moi, quand la pluie se repose!