L'Amérique de Deneeeeeese
Eh oui, c’est que la vie a continué après les années de guerre, celles où la vie avait eu tant de prix parce qu’on ne savait jamais de quoi le lendemain serait nourri, ni à combien on serait à table pour le prochain Noël.
Tout le monde a « fait sa vie ». Ma mère s’est mariée. Tiens, avec mon père ! Il la trouvait jolie comme en témoignent plusieurs photos qu’il a prises d’elle, parmi lesquelles celle-ci. Cette robe de soie datait de son célibat, et faisait très « Blanche neige ». Sur la commode on voit la photo de mon grand-père en tenue militaire (et comme il ressemblait au Roi Albert et portait le même nom, je me croyais rien de moins que la petite fille du Roi défunt, et l’avais d’ailleurs dit très modestement en classe, parce que je ne voyais pas ce que ça avait d’extraordinaire …) et de mon père, plus une reproduction de La Pinta que mon frère et moi prenions pour le bateau du Capitaine Crochet.
Elle a donc eu des enfants, a divorcé, a continué son existence avec toutes les différences de décor qui lui étaient imposées.
Et un beau jour, qui rencontre-t-elle dans la rue ??? Bill Vestal, le lieutenant Bill Vestal himself avec son épouse Marybeth, venus revoir les lieux de ces étranges « bons » souvenirs. La demeure où lui et tant d’autres avaient imposé leur présence chez mes grands-parents, leur laissant la cave-cuisine comme salon et salle à manger n’existait plus, mais le reste… ah ! le reste ! Les rues à gros moellons de pierre, la vieille boulangerie, l’avenue où s’était trouvée la demeure, certains bouquets d’arbres, la petite place devant l’église, la maison du curé… oui, il reconnaissait tout. Et reconnut aussi Deneeeeese, the lovely brunette dans cette belle grande dame aux cheveux prématurément blancs.
C’est au Grand hôtel qu’ils fêtèrent ça, avec champaiiiiigne et beaucoup de joie. Et ils l’invitèrent à passer les prochaines vacances au Texas chez eux. Ce qu’elle fit sans hésiter. Elle qui avait peur de prendre le métro à Bruxelles partit aux USA comme au pays imaginaire. Avec son anglais malabile et son accent mi british mi belge. Elle y resta près de deux mois, et trouva même moyen de participer à la Grand Parade Rodeo de Roley en 1970 !!! La connaissant, elle a dû s’imaginer dans un épisode de Géant, allant de barbeq en barbeq, de ranch en ranch, éblouissant les amis de ses hôtes par ses secrets culinaires – déjà alors l’ordinaire était … très ordinaire, là-bas !
Oh ma mammy, j’ai retrouvé ces photos de ton bonheur d’alors dans tes albums, et je voulais les regarder avec toi. Et c’est beau de savoir que tu as été the Belgian lady pendant près de deux mois dans ton décor de Géant !