L'heure exquise

Publié le par Edmée De Xhavée

Mariage-Union-1.jpgAutrefois, il y avait l’amour. Maintenant le sexe vient en avant-garde. On finit par penser que l’on se doit d’aimer qui on désire. Autrefois on laissait grandir le désir dans la douceur et le confort de l’amour. On appelait l’âme, on lui parlait, et plus l’écho était profond et plus le désir contenu s’intensifiait, se nourrissant de promesses pour l’avenir.

 

Mes grands-parents ont été fiancés pendant plus de quatre ans, je crois. Il y a eu la première guerre mondiale, et aussi un délai imposé par les parents de ma grand-mère.

 

A la veille de leur mariage, mon grand-père écrira dans son journal qu’ils se sont étreints dans le vestibule alors qu’elle le raccompagnait à la porte, et qu’il l’a sentie trembler dans ses bras. Il confie au papier toute sa joie à l’idée que le lendemain, ils seront enfin l’un à l’autre. On sent toute la plénitude de son bonheur dans cette simple phrase.

 

Quatre années de promenades, de querelles sans doute (il y en a eu une à cause d’un duel qui fit qu’il a cherché à s’engager à la légion étrangère … où heureusement on ne l’a pas pris !), de soirées en famille, jeux de croquet, pique-niques, cueillette au potager, lettres enflammées et … un désir en attente qui bondissait à chaque frôlement de main, à un baiser sur la joue un peu trop centré sur l’impatience des lèvres.

 

On faisait alors de sa femme LA femme. On faisait de son  mariage – quand on avait le grand bonheur de le choisir, ou d’y trouver l’amour au fil des ans – une vraie célébration de l’union. Une tendre idéalisation loyale et fidèle.

 

L’inconscient des amoureux absorbait le décor entier de leurs émois. Jamais ils n’oublieraient la splendeur de certains instants : comment le reflet de l’eau au soleil faisait voler des papillons de lumière sur une joue ronde, la complicité furtive qui leur a fait serrer les lèvres sur un sourire après s’être frôlés, le regard alarmé d’une vieille tante Emma devant un geste esquissé et vite réprimé. Cette longue attente, cette longue aimance, ces promesses d’un « à jamais » enchanteur les conduisait sensuellement vers cette nuit tant attendue où, enfin, ils ne feraient qu’un.

 

Tout au long de leur mariage, le respect viendrait à la rescousse lors des moments difficiles. Les souvenirs lisseraient les rides. Ils arriveraient toujours à se voir tel qu’ils étaient lors de ces moments de lumière qui avaient jalonné leurs fiançailles. Ces heures exquises.

 

L’heure exquise – Paul Verlaine (musique de Reynaldo Hahn)

 

La lune blanche

Luit dans les bois ;

De chaque branche

Part une voix

Sous la ramée…

 

O bien aimée.

 

L’étang reflète,

Profond miroir,

La silhouette

Du saule noir

Où le vent pleure…

 

Rêvons, c’est l’heure.

 

Un vaste et tendre

Apaisement

Semble descendre

Du firmament

Que l’astre irise…

 

C’est l’heure exquise.

 

Mariage-Union-2-seuls.jpg

Publié dans Love is in the air

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S
<br /> Comme tu décris joliment cette attente et ce désir qui monte. Merci pour cet article.<br /> Sophie<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci Sophie!<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> comme tu le racontes bien ce temps la...temps ou la passion se tissait comme les nappes avec patience et effort... j'ai adoré ton texte<br /> <br /> bise xxx<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> La patience et l'effort, ça créait bien souvent le bonheur! Bise<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Quel charmant conte que celui de tes grands parents.... Encore une fois je revois l'image des miens ; bien moins "élégants" peut-être mais tout aussi attendrissants. Chez mes grands parents, dans<br /> leur île du bout de l'exagone, c'était la femme qui choisissait puis demandait son prétendant en mariage alors que dans bien des villages sur le continent le mariage était "préparé" par les<br /> parents. Les jeunes gens n'avaient pas leur mot à dire !!! Il est vrai que dans l'île ce sont les femmes qui tenaient la maison mais aussi qui faisaient les travaux des champs, s'occupaient de<br /> l'éducation des enfants : on disait qu'elles portaient la culotte mais c'était uniquement parce que les hommes étaient absents de leur île 10 mois sur 12 !!! Les fiançailles duraient ....le temps<br /> que le fiancé (qui était marin de commerce) fasse son voyage de plusieurs mois hors de chez lui !!! Il revenait pour se marier. Il faut dire que les familles se connaissaient toutes entre elles<br /> dans leur île. Je pense que, comme ils passaient finalement très peu de temps ensemble, et aussi qu'ils étaient contents de se retrouver après une séparation si longue, ils passaient un mois<br /> agréable ensemble au retour de l'époux....enfin je suppose car pas de divorce bien évidemment à cette époque chez nous. Etaient-ils heureux ?? Oui je pense !!! Mes grands parents ont fêté leurs 60<br /> ans de mariage et se sont remariés à l'église et ont fait la fête comme 60 ans plus tôt. Mes parents qui ont eu sensiblement la même éducation ont élevés leurs enfants (dont je fais partie) dans<br /> l'optique de fiançailles chastes pour leurs enfants. J'étais la dernière et sans doute la plus "libérée" mais l'honneur a été sauf. Ils ont poussé un ouf quand je me suis mariée sans "mettre la<br /> charrue avant les boeufs"!!!toujours le paraître ou le qu'en dira t-on !!!<br /> Encore une fois ton récit me transporte dans un "autre monde" qu'était celui de la génération de mes grands parents mais aussi de celui de mes parents. Quel bond ont fait nos enfants ; un vrai<br /> fossé entre les générations !!!<br /> Edmée je te souhaite une bonne soirée et espère que le printemps (qui tarde toujours ici)soit présent chez vous. Je pense que oui au vu du billet précédent.<br /> A bientôt.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Que c'est intéressant, vraiment! Les femmes qui choisissaient! Et oui, c'est vrai que le fait de ne pas être trop ensemble devait faire les retrouvailles en général bien heureuses! Je sais que<br /> les tsiganes épousent des filles plus âgées parce qu'on considère que de toute façon, les hommes ne cessent jamais d'être plus immatures. Il faut donc bien que quelqu'un soit raisonnable! Chez les Indiens pueblos, c'est l'homme qui va habiter dans la maison de sa<br /> femme, s'il s'en va la maison et les biens appartiennent à la femme. Maintenant ça arrive de plus en plus, mais avant on ne parlait même pas d'amour, tout au juste de compagnonnage.<br /> <br /> <br /> Que les choses changent donc, pas vrai!?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci de ta visite et à bientôt!<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> J'aime cette douceur dans l'écriture, on a envie de vivre les lignes, suivre ces amoureux dans les allées du temps. Oui, ces lignes donnent l'espoir d'aimer bellement.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Ah mille merci, j'y ai mis de la foi dans l'amour, en effet.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Très beau et émouvant ton article!<br /> Actuellement, j'aurais tendance à dire aux jeunes,vivez emsemble avant de franchir le grand pas!!<br /> Quand je vois le nombre de divorces autour de moi, et les enfants ballotés d'un foyer à un autre, cela me désespère.<br /> Très bonne fin de semaine,Edmée.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Je te suis tout à fait, car les choses ont changé. Autrefois les fiançailles servaient à mieux se connaître, mais il est vrai aussi qu'il devait être difficile de reculer sans faire de dégats!<br /> Mais le divorce, les enfants de remariages qui s'accumulent, c'est moche.<br /> <br /> <br /> Bon week-end!<br /> <br /> <br /> <br />